Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il fend l’air qui résiste, et pousse autant qu’il presse.
Alors privé de vie, et chargé d’un grand nom,
Sur un lit de parade étendu tout du long,
Vous iriez tristement revoir votre patrie.
Ô ciel ! que ferait-on dans votre académie ?
Un dur anatomiste, élève d’Atropos,
Viendrait, scalpel en main, disséquer mon héros,
« La voilà, dirait-il, cette cervelle unique,
Si belle, si féconde, et si philosophique. »
Il montrerait aux yeux les fibres de ce cœur
Généreux, bienfaisant, juste, plein de grandeur.
Il couperait… mais non, ces horribles images
Ne doivent point souiller les lignes de nos pages.
Conservez, ô mes dieux ! l’aimable Frédéric,
Pour son bonheur, pour moi, pour le bien du public.
Vivez, prince, et passez dans la paix, dans la guerre,
Surtout dans les plaisirs, tous les ic de la terre,
Théodoric, Ulric, Genseric, Alaric,
Dont aucun ne vous vaut, selon mon pronostic.
Mais lorsque vous aurez, de victoire en victoire,
Augmenté vos États, ainsi que votre gloire,
Daignez vous souvenir que ma tremblante voix,
En chantant vos vertus, présagea vos exploits.
Songez bien qu’en dépit de la grandeur suprême,
Votre main mille fois m’écrivait : Je vous aime.
Adieu, grand politique, et rapide vainqueur !
Trente États subjugués ne valent point un cœur.




ÉPÎTRE LXI.


AU MÊME.


De Bruxelles, 1742.


Les vers et les galants écrits
Ne sont pas de cette province,
Et dans les lieux où tout est prince
Il est très-peu de beaux esprits.