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ÉPÎTRE LXXVIII.


À MONSIEUR LE DUC DE RICHELIEU[1],
À QUI LE SÉNAT DE GÊNES AVAIT ÉRIGÉ UNE STATUE.


À Lunéville, 18 novembre 1748.


Je la verrai cette statue
Que Gêne élève justement
Au héros qui l’a défendue.
Votre grand-oncle, moins brillant,
Vit sa gloire moins étendue ;
Il serait jaloux à la vue
De cet unique monument.
Dans l’âge frivole et charmant
Où le plaisir seul est d’usage,
Où vous reçûtes en partage
L’art de tromper si tendrement,
Pour modeler ce beau visage,
Qui de Vénus ornait la cour,
On eût pris celui de l’Amour,
Et surtout de l’Amour volage ;
Et quelques traits moins enfantins
Auraient été la vive image
Du dieu qui préside aux jardins.
Ce double et charmant avantage
Peut diminuer à la fin ;
Mais la gloire augmente avec l’âge.
Du sculpteur la modeste main
Vous fera l’air moins libertin ;
C’est de quoi mon héros enrage.
On ne peut filer tous ses jours
Sur le trône heureux des Amours ;
Tous les plaisirs sont de passage :
Mais vous saurez régner toujours

  1. Dans le Nouveau Magasin français, par Mme L. P. de Beaumont, tome Ier, page 151, de la seconde édition anglaise, il y a une Réponse (au nom) de M. le duc de Richelieu à M. de Voltaire. Cette réponse est aussi en vers de huit syllabes. (B.)