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Dans le vieux sérail délaissée,
Voit la jeune entrer dans le lit
Dont le grand-seigneur l’a chassée.
Lorsque Élie était décrépit,
Il s’enfuit, laissant son esprit
À son jeune élève Élisée,
Ma muse est de moi trop lassée ;
Elle me quitte, et vous chérit ;
Elle sera mieux caressée.




ÉPÎTRE C.


À MADAME DE SAINT-JULIEN[1],
NÉE COMTESSE DE LA TOUR-DU-PIN.


Fille de ces dauphins de qui l’extravagance
S’ennuya de régner pour obéir en France ;
Femme aimable, honnête homme, esprit libre et hardi,
Qui, n’aimant que le vrai, ne suis que la nature ;
Qui méprisas toujours le vulgaire engourdi
Sous l’empire de l’imposture ;
Qui ne conçus jamais la moindre vanité
Ni de l’éclat de la naissance,
Ni de celui de la beauté,
Ni du faste de l’opulence ;
Tu quittes le fracas des villes et des cours,
Les spectacles, les jeux, tous les riens du grand monde,
Pour consoler mes derniers jours
Dans ma solitude profonde.
En habit d’amazone, au fond de mes déserts,
Je te vois arriver plus belle et plus brillante
Que la divinité qui naquit sur les mers.

  1. Mme  de Saint-Julien, née de La Tour-du-Pin de Charce, est morte le 9 mai 1820.

    Cette épître a toujours été imprimée sans date, et placée parmi celles de 1771. Je la crois de 1766, et antérieure à la lettre du 14 septembre 1766, où Voltaire parle d’un voyage que cette dame avait fait à Ferney. (B.)