Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/448

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Colchos, où Mithridate expira sous Pompée[1] ;
De tous ces vains propos mon âme est peu frappée ;
Jamais de Mithridate il n’entendit parler.
Il prend sa pipe, il fume ; et, pour se consoler,
Il va dans son harem, où languit sa maîtresse,
Fatiguer ses appas de sa molle faiblesse.
Son vieil eunuque noir, témoin de son transport,
Lui dit qu’il est Hercule ; il le croit, et s’endort.
Ô sagesse des dieux ! je te crois très-profonde :
Mais à quels plats tyrans as-tu livré le monde[2] !
Achève, Catherine, et rends tes ennemis,
Le Grand Turc, et les sots, éclairés et soumis.




ÉPÎTRE CXII.


AU ROI DE SUÈDE, GUSTAVE III.


(1771)


Gustave, jeune roi, digne de ton grand nom,
Je n’ai donc pu goûter le plaisir et la gloire
De voir dans mes déserts, en mon humble maison,
Le fils de ce héros que célébra l’histoire[3] !
J’aurais cru ressembler à ce vieux Philémon,
Qui recevait les dieux dans son pauvre ermitage.
Je les aurais connus à leur noble langage,
À leurs mœurs, à leurs traits, surtout à leur bonté[4] ;
Ils n’auraient point rougi de ma simplicité ;

  1. Pompée défit Mithridate sur la route de l’Ibérie à la Colchide ; mais Mithridate se donna la mort à Panticapée. (Note de Voltaire, 1771.)
  2. Encore un vers qu’on répète bien souvent. Voltaire avait déjà dit dans le Triumvirat, tome V du Théâtre, page 185 :
    À quels maîtres, grands dieux, livrez-vous l’univers !
  3. Le prince royal de Suède était venu à Paris en 1771, et se proposait d’aller à Ferney, lorsque la nouvelle de la mort du roi son père le rappela tout à coup à Stockholm.
  4. Le prince son frère était avec lui. (Note de Voltaire, 1771.)