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ÉTERNITÉ.

encore à l’humanité, et qui ne se trouve chez aucun peuple. Ils admettent dans leurs assemblées deux cents paysans qui font un corps séparé des trois autres, et qui soutiennent la liberté de ceux qui travaillent à nourrir les hommes.

Les états généraux de Danemark prirent une résolution toute contraire en 1660 ; ils se dépouillèrent de tous leurs droits en faveur du roi. Ils lui donnèrent un pouvoir absolu et illimité. Mais ce qui est plus étrange, c’est qu’ils ne s’en sont point repentis jusqu’à présent.

Les états généraux, en France, n’ont point été assemblés depuis 1613[1] et les cortès d’Espagne ont duré cent ans après. On les assembla encore en 1712, pour confirmer la renonciation de Philippe V à la couronne de France. Ces états généraux n’ont point été convoqués depuis ce temps.


ÉTERNITÉ[2].


J’admirais, dans ma jeunesse, tous les raisonnements de Samuel Clarke ; j’aimais sa personne, quoiqu’il fût un arien déterminé ainsi que Newton, et j’aime encore sa mémoire parce qu’il était bon homme ; mais le cachet de ses idées, qu’il avait mis sur ma cervelle encore molle, s’effaça quand cette cervelle se fut un peu fortifiée. Je trouvai, par exemple, qu’il avait aussi mal combattu l’éternité du monde qu’il avait mal établi la réalité de l’espace infini.

J’ai tant de respect pour la Genèse et pour l’Église, qui l’adopte, que je la regarde comme la seule preuve de la création du monde depuis cinq mille sept cent dix-huit ans, selon le comput des Latins, et depuis sept mille deux cent soixante et dix-huit ans, selon les Grecs.

Toute l’antiquité crut au moins la matière éternelle ; et les plus grands philosophes attribuèrent aussi l’éternité à l’ordre de l’univers.

Ils se sont tous trompés, comme on sait ; mais on peut croire, sans blasphème, que l’éternel formateur de toutes choses fit d’autres mondes que le nôtre.

Voici ce que dit sur ces mondes et sur cette éternité un auteur

  1. À la fin de 1614 ; voyez tome XII, page 573 ; et tome XVI, le chapitre xlvi de l’Histoire du Parlement. Depuis Voltaire il y a eu les états généraux de 1789.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, cinquième partie, 1771. (B.)