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MALADIE.

c’est un balai que j’y introduis, et je pousse vos matières. Si vous avez un cancer, je vous coupe un téton ; mais je ne puis vous en rendre un autre. Avez-vous une pierre dans la vessie, je puis vous en délivrer au moyen d’un dilatoire, et je vous fais beaucoup moins de mal qu’aux hommes ; je vous coupe un pied gangrené, et vous marchez sur l’autre. En un mot, nous autres médecins nous ressemblons parfaitement aux arracheurs de dents : ils vous délivrent d’une dent gâtée sans pouvoir vous en substituer une qui tienne, quelque charlatans qu’ils puissent être.

LA PRINCESSE.

Vous me faites trembler. Je croyais que les médecins guérissaient tous les maux.

LE MÉDECIN.

Nous guérissons infailliblement tous ceux qui se guérissent d’eux-mêmes. Il en est généralement, et à peu d’exceptions près, des maladies internes comme des plaies extérieures. La nature seule vient à bout de celles qui ne sont pas mortelles : celles qui le sont ne trouvent dans l’art aucune ressource.

LA PRINCESSE.

Quoi ! tous ces secrets pour purifier le sang dont m’ont parlé mes dames de compagnie, ce baume de vie du sieur Le Lièvre, ces sachets du sieur Arnoult, toutes ces pilules vantées par leurs femmes de chambre...

LE MÉDECIN.

Autant d’inventions pour gagner de l’argent et pour flatter les malades pendant que la nature agit seule.

LA PRINCESSE.

Mais il y a des spécifiques.

LE MÉDECIN.

Oui, madame, comme il y a l’eau de Jouvence dans les romans.

LA PRINCESSE.

En quoi donc consiste la médecine ?

LE MÉDECIN.

Je vous l’ai déjà dit, à débarrasser, à nettoyer, à tenir propre la maison qu’on ne peut rebâtir.

LA PRINCESSE.

Cependant il y a des choses salutaires, d’autres nuisibles.

LE MÉDECIN.

Vous avez deviné tout le secret. Mangez, et modérément, ce que vous savez par expérience vous convenir. Il n’y a de bon pour le corps que ce qu’on digère. Quelle médecine vous fera digérer ? l’exercice. Quelle réparera vos forces ? le sommeil. Quelle dimi-