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MARIAGE.

nuera des maux incurables ? la patience. Qui peut changer une mauvaise constitution ? rien. Dans toutes les maladies violentes nous n’avons que la recette de Molière[1] : saignare, purgare, et, si l’on veut, clysterium donare. Il n’y en a pas une quatrième. Tout cela n’est autre chose, comme je vous l’ai dit, que nettoyer une maison à laquelle nous ne pouvons pas ajouter une cheville. Tout l’art consiste dans l’à-propos.

LA PRINCESSE.

Vous ne fardez point votre marchandise. Vous êtes honnête homme. Si je suis reine, je veux vous faire mon premier médecin.

LE MÉDECIN.

Que votre premier médecin soit la nature. C’est elle qui fait tout. Voyez tous ceux qui ont poussé leur carrière jusqu’à cent années, aucun n’était de la Faculté. Le roi de France[2] a déjà enterré une quarantaine de ses médecins, tant premiers médecins que médecins de quartier et consultants.

LA PRINCESSE.

Vraiment, j’espère bien vous enterrer aussi. »



MARIAGE[3].


SECTION PREMIÈRE


J’ai rencontré un raisonneur qui disait : « Engagez vos sujets à se marier le plus tôt qu’il sera possible ; qu’ils soient exempts d’impôt la première année, et que leur impôt soit réparti sur ceux qui au même âge seront dans le célibat[4].

« Plus vous aurez d’hommes mariés, moins il y aura de crimes. Voyez les registres affreux de vos greffes criminels ; vous y trouvez cent garçons de pendus, ou de roués, contre un père de famille.

« Le mariage rend l’homme plus vertueux et plus sage. Le père de famille, prêt de commettre un crime, est souvent arrêté par sa femme, qui, ayant le sang moins brûlé que lui, est plus douce, plus compatissante, plus effrayée du vol et du meurtre, plus craintive, plus religieuse.

  1. Intermède IIIe du Malade imaginaire.
  2. Louis XV, né en 1710, mort en 1774.
  3. Les trois sections de cet article datent de 1771, Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie. (B.)
  4. Au temps de Voltaire, les nouveaux mariés étaient déjà exempts de la collecte du sel pendant un an. (G. A.)