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MARIAGE.

religion catholique, apostolique et romaine, ne puissent, sous quelque prétexte que ce soit, contracter mariage avec ceux de la religion prétendue réformée, déclarant tels mariages non valablement contractés, et les enfants qui en viendront illégitimes. »

Il est bien singulier que l’on se soit fondé sur les lois de l’Église pour annuler des mariages que l’Église n’annula jamais. Vous voyez dans cet édit le sacrement confondu avec le contrat civil : c’est cette confusion qui a été la source des étranges lois de France sur le mariage.

Saint Augustin approuvait les mariages des orthodoxes avec les hérétiques, parce qu’il espérait que l’époux fidèle convertirait l’autre ; et Louis XIV les condamne dans la crainte que l’hétérodoxe ne pervertisse le fidèle !

Il existe en Franche-Comté une loi plus cruelle : c’est un édit de l’archiduc Albert et de son épouse Isabelle, du 20 décembre 1599, qui fait défense aux catholiques de se mariera des hérétiques, à peine de confiscation de corps et de biens[1].

Le même édit prononce la même peine contre ceux qui seront convaincus d’avoir mangé du mouton le vendredi ou le samedi. Quelles lois et quels législateurs !

À quels maîtres, grand Dieu, livrez-vous l’univers !

SECTION III[2].

Si nos lois réprouvent les mariages des catholiques avec les personnes d’une religion différente, accordent-elles au moins les effets civils aux mariages des Français protestants avec des Français de la même secte ?

On compte aujourd’hui dans le royaume un million de protestants[3], et cependant la validité de leur mariage est encore un problème dans les tribunaux.

C’est encore ici un des cas où notre jurisprudence se trouve en contradiction avec les décisions de l’Église, et avec elle-même.

Dans la déclaration papale citée dans la précédente section, Benoît XIV décide que les mariages des protestants, contractés suivant leurs rites, ne sont pas moins valables que s’ils avaient été faits suivant les formes établies par le concile de Trente, et

  1. Anciennes ordonnances de la Franche-Comté, livre V, titre xviii. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez la note 3, pape 26.
  3. Cela est exagéré. (Note de Voltaire.)