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SOMMAIRES DES PIÈCES DE MOLIÈRE.

ne pouvait guère réussir que par le mérite du divertissement et par celui de l’à-propos.

On ne doit pas omettre que, dans les divertissements des Amants magnifiques[1], il se trouve une traduction de l’ode d’Horace,

Donec gratus eram tibi[2].


LE BOURGEOIS GENTILHOMME,


Comédie-ballet en prose et en cinq actes, faite et jouée à Chambord, au mois
d’octobre 1670, et représentée à Paris le 23 novembre de la même année.


Le Bourgeois gentilhomme est un des plus heureux sujets de comédie que le ridicule des hommes ait jamais pu fournir. La vanité, attribut de l’espèce humaine, fait que les princes prennent le titre de rois, que les grands seigneurs veulent être princes, et, comme dit La Fontaine[3],

Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.

Cette faiblesse est précisément la même que celle d’un bourgeois qui veut être homme de qualité ; mais la folie du bourgeois est la seule qui soit comique, et qui puisse faire rire au théâtre : ce sont les extrêmes disproportions des manières et du langage d’un homme avec les airs et les discours qu’il veut affecter qui font un ridicule plaisant. Cette espèce de ridicule ne se trouve point dans des princes ou dans des hommes élevés à la cour, qui couvrent toutes leurs sottises du même air et du même langage ; mais ce ridicule se montre tout entier dans un bourgeois élevé grossièrement, et dont le naturel fait à tout moment un contraste avec l’art dont il veut se parer. C’est ce naturel grossier qui fait le plaisant de la comédie, et voilà pourquoi ce n’est jamais que dans la vie commune qu’on prend les personnages comiques. Le Misanthrope est admirable, le Bourgeois gentilhomme est plaisant.

Les quatre premiers actes de cette pièce peuvent passer pour une comédie ; le cinquième est une farce qui est réjouissante, mais trop peu vraisemblable. Molière aurait pu donner moins de prise à la critique, en supposant quelque autre homme que le

  1. Troisième intermède.
  2. Livre III, ode ix.
  3. Livre Ier fable iii.