Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DIALOGUES CHRÉTIENS. 139

sanctifiais les choses profanes, et je changeais en un baume salu- taire le poison que nos ennemis avaient préparé. La chose était prête à réussir, l'auteur allait me faire présent d'un de ses ma- nuscrits, le marché était fait avec un libraire, qui devait m'en donner un louis d'or par feuille, et deux cents exemplaires, que j'aurais vendu tandis que j'aurais fait faire quelques change- ments aux siens, lorsqu'on m"a traversé ; mais aussi j'ai bien dit du mal du livre, et ce n'est pas ma faute si je n'en ai pas fait à l'auteur.

LE PRÊTRE.

Cela est très-bien encoi-e; mais je vois toujours de l'argent dans tout ce que vous faites, et j'aimerais mieux qu'il n'y en eût pas,

LE MINISTRE.

Vous avez donc oublié ce que je vous ai dit tout à l'heure de l'usage que j'en fais ; vous me forcez à vous répéter que je le consacre à de bonnes œuvres, et je puis vous assurer avec vérité que les petites sommes que j'ai reçues ont été remises fidèlement entre les mains de ce pauvre homme dont je vous ai parlé. J'au- rais bien des choses à vous raconter encore, si je vous disais tout ce que j'ai fait pour lui ; mais je craindrais d'abuser de votre com- plaisance, et ce sera pour la première entrevue.

LE PRÊTRE.

J'approuve tout ce que vous avez fait, les motifs en sont loua- bles, et je vous estimerais fort si vous aviez un peu plus de cha- leur contre nos ennemis. Chacun a sa manière : je vous avoue que je préfère les voies abrégées ; j'aime mieux persécuter. Tra- vaillez tout doucement par la sape, tandis que j'irai avec le fer et le feu renverser et brûler tout ce qui m'opposera quelque résistance.

LE MINISTRE.

Bonjour, monsieur ; j'avais oublié de vous dire que tout ceci doit être fort secret entre nous, et que tout ce que j'écrirai doit être anonyme. N'oubliez pas non plus la pension, et souvenez- vous qu'elle est destinée à un pauvre homme.

LE PRÊTRE.

Bonjour, monsieur; n'oubliez pas les sermons, et souvenez- vous qu'ils ne sauraient être trop forts.

��FIN DES DIALOGUES CHRETIENS.

�� �