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SERMON DES CINQUANTE.

TROISIÈME POINT.

C’est en vain que les Juifs furent un peu plus éclairés du temps d’Auguste que dans les siècles barbares dont nous venons de parler ; c’est en vain que les Juifs commencèrent à connaître l’immortalité de l’âme, dogme inconnu à Moïse, et les récompenses de Dieu après la mort des justes, comme les punitions (quelles qu’elles soient) pour les méchants, dogme non moins ignoré de Moïse. La raison n’en perça pas davantage chez le misérable peuple dont est sortie cette religion chrétienne, qui a été la source de tant de divisions, de guerres civiles et de crimes, qui a fait couler tant de sang, et qui est partagée en tant de sectes ennemies dans les coins de la terre où elle règne.

Il y eut toujours chez les Juifs des gens de la lie du peuple qui firent les prophètes pour se distinguer de la populace : voici celui qui a fait le plus de bruit, et dont on a fait un dieu ; voici le précis de son histoire en peu de mots, telle qu’elle est rapportée dans les livres qu’on nomme Évangiles. Recherchons point dans quel temps ces livres ont été écrits, quoiqu’il soit évident qu’ils l’ont été après la ruine de Jérusalem[1]. Vous savez avec quelle absurdité les quatre auteurs se contredisent ; c’est une preuve démonstrative de mensonge. Hélas ! nous n’avons pas besoin de tant de preuves pour ruiner ce malheureux édifice ; contentons-nous d’un récit court et fidèle.

D’abord on fait Jésus descendant d’Abraham et de David, et l’écrivain Matthieu compte quarante-deux générations en deux mille ans ; mais, dans son compte, il ne s’en trouve que quarante et une, et dans cet arbre généalogique qu’il tire des livres des Rois, il se trompe encore lourdement en donnant Josias pour père à Jechonias.

Luc donne aussi une généalogie ; mais il y met cinquante six générations depuis Abraham, et ce sont des générations toutes

  1. Voici ce qu’on lit dans l’édition portant le millésime 1749 :

    « Si on veut savoir en quel temps ces quatre évangiles ont été écrits, il est évident qu’ils l’ont été après la prise de Jérusalem. Car, au chapitre vingt-troisième du livre attribué à Matthieu, Jésus dit aux prêtres : Serpents, race de vipères, etc., tombe sur vous tout le sang innocent répandu depuis le sang d’Abel le juste, jusqu’au sang de Zacharie, fils de Baruch, tué entre le temple et l’autel ! Il n’est parlé, mes frères, d’un Zacharie, fils de Baruch, tué entre le temple et l’autel, que dans l’histoire du siége de Jérusalem, par Flavius Josèphe. Donc il est démontré que cet évangile ne fut écrit qu’après le livre de Josèphe. Vous savez… » — M. A.-A. Renouard avait déjà rapporté ce passage d’après une édition in-12, qu’il dit d’Angleterre. (B.)