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ÉCLAIRCISSEMENTS HISTORIQUES.

« Il est bien vraisemblable que la juste douleur des chrétiens se répandit en plaintes exagérées. Les Actes sincères nous racontent que l’empereur étant dans Antioche, le préteur condamna un enfant chrétien, nommé Romain, à être brûlé ; que des juifs présents à ce supplice se mirent méchamment à rire, en disant : Nous avons eu autrefois trois petits garçons, Sidrach, Misach et Abdénago, qui ne brûlèrent point dans la fournaise; et celui-ci brûle. Dans l’instant, pour confondre les juifs, une grande pluie éteignit le bûcher, et le petit garçon en sortit sain et sauf en demandant : Où est donc le feu ? Les Actes sincères ajoutent que l’empereur le fit délivrer, mais que le juge ordonna qu’on lui coupât la langue. Il n’est guère possible qu’un juge ait fait couper la langue à un petit garçon à qui l’empereur avait pardonné.

« Ce qui suit est plus singulier. On prétend qu’un vieux médecin chrétien, nommé Ariston, qui avait un bistouri tout prêt, coupa la langue de cet enfant pour faire sa cour au préteur. Le petit Romain fut aussitôt renvoyé en prison. Le geôlier lui demanda de ses nouvelles ; l’enfant raconta fort au long comment un vieux médecin lui avait coupé la langue. Il faut noter que le petit enfant, avant cette opération, était extrêmement bègue, mais qu’alors il parlait avec une volubilité merveilleuse. Le geôlier ne manqua pas d’aller raconter ce miracle à l’empereur. On fit venir le vieux médecin ; il jura que l’opération avait été faite dans toutes les règles de l’art, et montra la langue de l’enfant qu’il avait conservée proprement dans une boîte. Qu’on fasse venir, dit-il, le premier venu, je m’en vais lui couper la langue en présence de Votre Majesté, et vous verrez s’il pourra parler. On prit un pauvre homme à qui le médecin coupa juste autant de langue qu’il en avait coupé au petit enfant : l’homme mourut sur-le-champ. »

Je veux croire que les actes qui rapportent ce fait sont aussi sincères qu’ils en portent le titre ; mais ils sont encore plus singuliers que sincères.

C’est maintenant au lecteur judicieux à voir s’il n’est pas permis de douter un peu de ce miracle. L’auteur du libelle peut aussi croire, s’il veut, l’apparition du labarum ; mais il ne doit point injurier ceux qui ne sont point de cet avis.

Ve SOTTISE DE NONOTTE.
sur l’empereur Julien.

On peut s’épuiser en invectives contre l’empereur Julien ; on n’empêchera pas que cet empereur n’ait eu des mœurs très-pures :