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FRAGMENT
SUR
LE PROCÈS CRIMINEL DE MONTBAILLI[1]


ROUÉ ET BRULÉ VIF À SAINT-OMER, EN 1770,
POUR UN PRÉTENDU PARRICIDE ;
ET SA FEMME CONDAMNÉE À ÊTRE BRULÉE VIVE,
TOUS DEUX RECONNUS INNOCENTS.

C’est encore la démence de la canaille qui produisit l’affreuse catastrophe dont nous allons parler en peu de mots. Il faut passer ici de l’extrême ridicule à l’extrême horreur.

Un citoyen de Saint-Omer, nommé Montbailli, vivait paisiblement chez sa mère avec sa femme, qu’il aimait. Ils élevaient un enfant né de leur mariage, et la jeune femme était grosse d’un second. La mère Montbailli était malheureusement sujette à boire des liqueurs fortes, passion commune et funeste dans ces pays. Cette habitude lui avait déjà causé plusieurs accidents qui avaient fait craindre pour sa vie. Enfin, la nuit du 26 au 27 juillet 1770, après avoir bu avant de se coucher plus de liqueurs qu’à l’ordinaire, elle est attaquée d’une apoplexie subite, se débat, tombe de son lit sur un coffre, se blesse, perd son sang, et meurt.

Son fils et sa bru couchaient dans une chambre voisine, et étaient endormis. Une ouvrière vient frapper à leur porte le matin, et les éveille[2] ; elle veut parler à leur mère pour finir

  1. Voltaire avait depuis longtemps publié sa Méprise d’Arras (voyez tome XXVIII, page 425), lorsqu’il mit au jour, à la fin de 1773, la seconde partie ou les seize derniers chapitres de ses Fragments historiques sur l’Inde. Le Fragment sur le Procès criminel de Montbailli était au nombre des pièces mises à la suite (voyez ci-dessus, page 86). Il était précédé immédiatement du Fragment sur la Justice qui précède (ce qui en explique le début), et suivi du Fragment sur l’Histoire générale, qui suit, en seize articles. (B.)
  2. Dans le premier mémoire, Voltaire disait que la jeune femme était restée endormie.