Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
DE LA
MORT DE LOUIS XV
ET
DE LA FATALITÉ[1]



Louis XV a été le seul roi de France qui soit mort de cette funeste maladie nommée variole, ou petite vérole. Il a été le seul sur dix mille personnes qui en ait été attaqué deux fois, car on assure qu’il l’avait eue à quatorze ans[2].

C’est encore un événement non moins unique que ce venin l’ait comme choisi au milieu de toute sa cour, pour le faire périr à l’âge de soixante et quatre ans, dans le temps que personne n’en éprouvait la moindre atteinte, ni dans le château ni dans la ville de Versailles.

Voilà trois fatalités étranges. Une quatrième est la manière dont on prétend qu’il prit la variole dont il est mort.

Il avait rencontré à la chasse un enterrement ; il s’en approcha, et demanda qui on allait ensevelir. On lui répondit que c’était une jeune fille morte de la petite vérole[3].

  1. Cet opuscule, dont l’édition originale a sa pagination particulière, fut distribué en même temps que l’Éloge funèbre de Louis XV, si j’en juge par le grand nombre d’exemplaires que j’ai vus de ces deux écrits brochés ensemble. C’est à la date du 13 juin 1774 que les Mémoires secrets parlent de tous deux. (B.)
  2. Les Mémoires du maréchal de Villars, tome III, pages 415-416, disent formellement que Louis XV eut la petite vérole en octobre 1728.
  3. On dit qu’on avait admis dans le lit du roi une jeune fille d’un menuisier des environs de Versailles, sur laquelle Louis XV avait jeté des regards de concupiscence. Cette enfant, se sentant déjà malade, avait eu beaucoup de peine à se prêter aux désirs du roi. Elle céda cependant tout à la fois aux promesses de fortune et aux menaces. Elle communiqua au roi, pendant la nuit, la maladie dont elle avait le germe, et dont elle mourut avant lui. (B.)