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ACTE TROISIÈME




Scène 1




Alzire seule.


Mânes de mon amant, j’ai donc trahi ma foi !
C’en est fait, et Gusman règne à jamais sur moi !
L’océan, qui s’élève entre nos hémisphères,
A donc mis entre nous d’impuissantes barrières ;
Je suis à lui, l’autel a donc reçu nos vœux,
Et déjà nos serments sont écrits dans les cieux !
Ô toi ! Qui me poursuis, ombre chère et sanglante,
À mes sens désolés, ombre à jamais présente,
Cher amant ! Si mes pleurs, mon trouble, mes remords,
Peuvent percer ta tombe, et passer chez les morts ;
Si le pouvoir d’un dieu fait survivre à sa cendre
Cet esprit d’un héros, ce cœur fidèle et tendre ;
Cette âme qui m’aima jusqu’au dernier soupir,
Pardonne à cet hymen où j’ai pu consentir.
Il fallait m’immoler aux volontés d’un père,
Au bien de mes sujets, dont je me sens la mère,
À tant de malheureux, aux larmes des vaincus,
Au soin de l’univers, hélas ! Où tu n’ès plus.
Zamore, laisse en paix mon âme déchirée
Suivre l’affreux devoir où les cieux m’ont livrée :
Souffre un joug imposé par la nécessité ;
Permets ces nœuds cruels, ils m’ont assez coûté.