Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/126

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’hui le Jourdain pour te rendre maître des grandes nations plus fortes que toi, qui ont de grandes villes et des murailles jusqu’au ciel, et un peuple grand et sublime, des géants que tu as vus, et que tu as entendus, et à qui nul ne peut résister [1]. Prenez bien garde d’avoir soin du lévite dans tout le temps que vous demeurerez sur la terre… lorsque vous aurez un chemin trop long à faire, vous apporterez toutes les dixmes au seigneur… vous les vendrez toutes, et vous acheterez de cet argent tout ce que vous voudrez, bœufs, brebis, vin, bierre ; et vous en mangerez avec le lévite qui est dans l’enceinte de vos murs, et qui n’a point d’autre possession sur la terre… gardez-vous d’abandonner le lévite… [2].

    six cents un mille sept cents trente combattans par le dénombrement que Moyse ordonna, si on suppose que chaque combattant avait une femme, et que chaque mari et femme eussent un pere et une mere, et que chaque ménage eût deux enfans, cela ferait quatre millions huit cents treize mille huit cents quarante personnes à chausser et à vêtir ; en ce cas, le miracle aurait été beaucoup plus grand, et il aurait fallu que le seigneur eût donné à son peuple un million huit cents treize mille huit cents quarante paires de souliers de plus. Pour répondre plus sérieusement à Colins, nous le renverrons à st Justin, qui, dans son dialogue avec Tryphon, soutient, que non seulement les habits des hébreux ne s’userent point dans leur marche de quarante années au soleil et à la pluie, et en couchant sur la dure, mais que ceux des enfans croissaient avec eux, et s’élargissaient merveilleusement, à mesure qu’ils avançaient en âge. Nous le renverrons encore à st Jérome, qui ajoute dans une épitre, laquelle est la 38 de la nouvelle édition, ces propres mots : envain les barbiers apprirent leur art dans le désert pendant quarante années, ils savaient que les cheveux et les ongles des israëlites ne croissaient pas .

  1. aujourd’hui ne signifie pas ce jour-là même, puisque le peuple de Dieu ne passa le Jourdain qu’un mois après. Pour ce qui concerne les géants, les critiques y trouvent une contradiction, parce qu’il est dit dans le même deutéronome, que Og était resté le seul de la race des géants. Mais Og demeurait à l’orient du Jourdain, et il pouvait y avoir d’autres géants à l’occident. Mais dans cet endroit, où il est dit que Og était resté seul de la race des géants, l’auteur ajoute : on montre encore son lit de fer dans Rabath, qui est une ville des enfans de Ammon, et il a neuf coudées de long et quatre de large . C’est encore une des raisons pour laquelle on a prétendu que Mosé ne pouvait avoir écrit les livres qui sont sous son nom ; parce que ces mots, on montre encore son lit, prouvent que l’auteur n’était pas contemporain ; et Mosé, dit-on, ne pouvait l’avoir vu dans Rabath, qui ne fut prise que longtemps après par David.
  2. les critiques prétendent que ce passage prouve trois choses : la premiere, que c’est évidemment un lévite qui écrivit ce livre quand les juifs eurent des villes : la seconde, que les lévites n’eurent jamais quarante-huit villes à eux appartenantes : la troisieme, que les israëlites ne furent pas nourris simplement de manne dans le désert, puisqu’ils doivent manger du bœuf et du mouton, et boire du vin et de la bierre avec le lévite. Cette critique nous paraît bien rigoureuse. L’auteur sacré veut dire probablement, que les juifs doivent manger du bœuf et du mouton, et boire de la bierre et du vin avec le lévite, quand ils en auront.