Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/577

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chargèrent Mahomet II des accusations les plus atroces et les plus ridicules depuis qu’il eut pris Constantinople. C’était une vengeance de moines : ils criaient à l’hérétique.

On prétend aujourd’hui, parmi quelques nations de l’Europe, qu’il n’est pas permis à un homme veuf d’épouser une parente de sa femme au quatrième degré, et qu’une veuve serait coupable de la même transgression si l’un et l’autre n’achetaient pas une dispense du pape.

Il y a chez ces mêmes nations un autre inceste qu’on appelle spirituel. C’est une espèce de sacrilège dans un homme d’église de coucher avec une fille qu’il a baptisée, ou confirmée, ou confessée. Voyez les Cas de Pontas au mot Inceste.

La France n’a point de loi expresse contre ces espèces de délits ; mais quelques trihunaux les ont quelquefois punis de mort de leur propre autorité. Sur quoi on peut observer la supériorité de la jurisprudence anglaise : elle punirait tout juge qui aurait infligé une peine que la loi n’aurait pas décernée.

C’est à la prudence de ceux qui gouvernent de dicter des lois, de proportionner chaque peine à chaque délit, et de contenir les accusés et les juges.

Serait-il temps de ne plus regarder les mariages entre cousins germains comme incestueux ? Nos seigneurs pourront les permettre pour le bien des familles. Le pape les permet moyennant finance,

ARTICLE XV.
DU VIOL.

Pour les filles ou femmes qui se plaindraient d’avoir été violées, il n’y aurait, ce me semble, qu’à leur conter comment une reine éluda autrefois l’accusation d’une complaignante. Elle prit un fourreau d’épée, et, le remuant toujours, elle fît voir à la dame qu’il n’était pas possible alors de mettre l’épée dans le fourreau.

Il en est du viol comme de l’impuissance ; il est certains cas dont les tribunaux ne doivent jamais connaître.

La France est le seul pays où l’on ait admis le congrès. Les juges en ont enfin rougi [1].

  1. Le viol est un véritable crime, même indépendamment de toutes les idées d’honneur, de vertu, attachées à la chasteté. C’est une violation de la propriété que chacun doit avoir de sa personne, c’est un outrage fait à la faiblesse par la force. Il doit être puni comme les autres attentats à la sûreté personnelle, qui sont distincts du meurtre. L’expédient de cette reine est une plaisanterie ; il suppose un sang-froid qu’il est difficile de conserver. Si un homme, ayant une arme, s’est laissé assommer parce que la peur l’a empoché de s’en servir, l’assassin n’est pas moins coupable. Les preuves du viol ne sont pas impossibles ; il peut y en avoir de telles qu’elles ne laissent aucun doute, et c’est d’après celles-là seules qu’on peut condamner. D’ailleurs ce crime peut s’exécuter par le concours de plusieurs personnes, et en employant les menaces : ainsi, quoiqu’il soit très-rare qu'il ait été commis par un homme seul, on ne peut le placer au rang des crimes imaginaires, ou de ceux dont la loi ne doit point connaître. (K. )