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ACTE III, SCÈNE III. 345

Voici le cas où un monologue est convenable. Un homme dans une situation violente peut examiner avec lui-même le danger de son entreprise, l’horreur du crime qu’il va commettre, écouter ou combattre ses remords; mais il fallait que ce monologue fût placé après qu’Auguste l’a comblé d’amitiés et de bienfaits, et non pas après une scène froide avec Maxime.

Vers 11. Qu’une âme généreuse a de peine à faillir!

Ce vers ne prouve-t-il pas ce que j’ai déjà dit, que ce n’était pas à Cinna à donner à l’empereur des conseils du fourbe le plus déterminé ? S’il a une âme si généreuse, s’il a tant de peine à faillir, pourquoi n’a-t-il pas affermi Auguste dans le dessein de quitter l’empire ? S’il a tant de peine à faillir, pourquoi n’a-t-il pas senti les plus cuisants remords au moment qu’Auguste lui donnait Emilie ?

Vers 17. S’il faut percer le flanc d’un prince magnanime Qui du peu que je suis fait une telle estime, etc.

Ce discours est d’un vil domestique, et non pas d’un sénateur romain : il achève d’avilir son rôle, qui était si mâle, si fier, si terrible au premier acte. On s’intéressait à Cinna, et à présent on ne s’intéresse qu’à Auguste.

Vers 21. O coup! ô trahison trop indigne d’un homme!

J’en reviens toujours à ce remords trop tardif; je soupçonne qu’il serait très-touchant, très-intéressant, s’il avait été plus prompt, s’il n’était pas contradictoire avec la rage d’épouser Emilie sur la cendre d’Auguste. Metastasio, dans sa Clemenza di Tito, imitée de Cinna, commence par donner des remords à Sestus, qui joue le rôle de Cinna.

Vers 29. Mais je dépens de vous, ô serment téméraire !

Non, sans doute, il ne dépend pas de ce serment: c’est chercher un prétexte, et non pas une raison. Voilà un plaisant serment que la promesse faite à une femme de hasarder le dernier supplice pour faire une très-vilaine action ! Il devait dire : Les conjurés et moi nous avons fait serment de venger la patrie. Voilà un serment respectable.

Vers 30. O haine d’Emilie! ô souvenir d’un père! Ma foi, mon cœur, mon bras, tout vous est engagé, Et je ne puis plus rien que par votre congé.

Par votre congé ne se dit plus, et en effet ne devait pas se dire, puisque ce mot vient de congédier, qui ne signifie pas per-

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