Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/529

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que Corneille ait été obligé de faire l’apologie (1"liii art qui (’tail si respectable entre ses mains.

Le grand Corneille traite ici avec une fiertrqui sied bien à sa réputation et à son mérite ces hommes bassement jaloux du premier des beaux-arts, qui colorent leur envie du prétexte de la religion. Ils craignent que la nation ne s’instruise au tlié;\tre, et que des hommes accoutumés à nourrir leur esprit de ce que la raison a de plus pur, et de ce que l’éloquence des vers a de plus touchant, ne deviennent indiiïérents pour de vaincs disputes scolastiques, pour de misérables ([uerelles, dans lesquelles on veut trop souvent entraîner les citoyens.

Ces ennemis de la société ont imaginé qu’un chrétien devait regarder Cinna, les Horaccs et Polijeuctc du même œil dont les Pères de l’Église regardaient les mimes et les farces obscènes qu’on représentait de leur temps dans les provinces de l’empire romain.

On consulta sur cette question, dans l’année i7/i2, monsi- gnor Cerati, confesseur du pape Clément XII, et du consistoire qui élut ce pape. J’ai heureusement retrouvé une partie de sa réponse, écrite de sa main, commençant par ces mots : / avicilii c i padri; et finissant par ceux-ci: Giovan Battista Andrcini ; et voici la traduction fidèle des principaux articles de sa lettre^:

(( Les conciles et les Pères qui ont condamné la comédie, comme il paraît par le troisième article du concile de Carthage de l’an 397, entendaient les représentations obscènes, mêlées de sacré et de profane, la dérision des choses ecclésiastiques, les blasphèmes, etc.

« Les comédies, dans des temps plus éclairés, ne furent pas de ce genre. C’est pourquoi saint Thomas, quest. 168, art. m, parlant de la comédie, s’exprime ainsi :

« Officium histrionum, onlinatum ad soîatiuni hominibus exhiben- dum, non est secundum se iUicitinn ; ncc sunt ni sUitu peccati, dum- modo moderatc ludo utantur , id est )iun uteiido cdiquibus illicitis verbis, vel fttctis, et no)i adhibcndo ludos ne<jotiis et temporibus indc- bilis.

« L’emploi des comédiens, institué pour donner quelque délassement aux hommes, n’est pas en soi illicite; ils ne sont point dans l’état de péché, pourvu qu’ils usent honnêtement de leurs

1. Dans une lettre à Mlle Clairon, du 27 auguste 1761, Voltaire parle de ces décisions, qu’il se propose d’insérer dans ses notes sur Corneille. Son but était de faire renouveler une déclaration du roi en faveur des comédiens, que les prêtres traitaient en excommuniés.