Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/357

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La fureur d’imprimer est une maladie épidémique qui ne diminue point. Les infatigables et pesants bénédictins vont donner en dix volumes in-folio[1], que je ne lirai point, l’""Histoire littéraire de la France. J’aime mieux trente vers de vous que tout ce que ces laborieux compilateurs ont jamais écrit.

Vous voyez souvent un homme qui me trompera bien s’il devient jamais compilateur ; il a deux talents qui s’opposent à cette lourde et accablante profession : de l’imagination et de la paresse.

Vous devez reconnaître, à ce petit portrait, le joufflu abbé de Linant, au teint fleuri et au cœur aimable. Je voudrais bien lui être bon à quelque chose, mais il ne paraît pas qu’il ait grande envie de vivre avec moi, et je suis persuadé qu’il ne songe à présent qu’à vous. Cela doit être ainsi, et je compte bien oublier avec vous le reste du monde.


330. — Á M. L’ABBÉ DU RESNEL.


Je fus bien étonné, ces jours passés, mon très-sage et très-aimable abbé, lorsque M. Rouillé me renvoya Ériphyle chargée du nom de Danchet. Il m’avait promis que vous seriez mon approbateur, et je n’avais demandé que vous. Comment est-ce que le nom de Danchet peut se trouver à la place du vôtre, et pourquoi M. Rouillé m’a-t-il donné la mortification de mettre mon ouvrage en d’autres mains ?

Je vous envoie une copie du Temple du Goût, telle qu’elle a été approuvée, et telle qu’on la supprime aujourd’hui. Votre suffrage me tiendra lieu de celui du public.

J’ai reçu l’Essai de Pope sur l’Homme ; je vous l’enverrai incessamment. Adieu ; aimez-moi. V.


331. — Á M. THIERIOT,
à londres.
Paris, 15 mai.

Je quitte aujourd’hui les agréables pénates de la baronne, et je vais me claquemurer vis-à-vis le portail Saint-Gervais[2], qui est presque le seul ami que m’ait fait le Temple du Goût.

  1. l’Histoire littéraire de la France, commencée par les bénédictins, est in-4o ; le premier volume est de 1733, le seizième est de 1824. L’ouvrage se continue. (B.)
  2. Rue de Long-Pont, où il demeura avec Demoulin jusqu’au 7 avril 1734, dans une maison qui porte aujourd’hui (1828) le n° 13, et qui appartient à un sieur Somon. (Cl.)