un effet fort profane et fort agréable. Si vous voulez, je vous enverrai encore cette guenille. Quant aux autres misères que vous avez vues dans le portefeuille d’un de vos amis[1], je puis vous assurer qu’il n’y en a peut-être pas une qui soit de bon aloi ; et si vous voulez m’en envoyer copie, je les corrigerai, et j’y mettrai ce qui vous manque, afin que vous ayez mes impertinences complètes.
Il y a trois mois que l’auteur de Mahomet II m’envoya son manuscrit. Je trouve qu’il faut beaucoup de génie pour faire porter une tragédie à un terrain si aride et si ingrat. La prétendue barbarie de Mahomet II, accusé d’avoir tué sa maîtresse pour plaire à ses janissaires, est un conte des plus absurdes et des plus ridicules que les chrétiens aient inventés. Cette sottise, et toutes celles qu’on a débitées sur Mahomet II, sont le fruit de la cervelle d’un moine nommé Bandelli. Ces gens-là ne sont bons qu’à tout gâter.
Adieu, monsieur ; bon voyage. Puis-je avoir l’honneur de vous faire ma cour à votre retour ? N’allez pas vieillir en Portugal[2], Mme du Châtelet, entourée de barbares, va bientôt avoir la consolation de vous écrire ; et moi, je ne cesserai en aucun instant de ma vie de vous être attaché avec la plus tendre et la plus respectueuse reconnaissance.
Monseigneur, en revenant de ces tristes terres[3], dans le voisinage desquelles Votre Altesse royale n’a point été, j’ai l’honneur de lui écrire pour me consoler. J’espère que Votre Altesse royale m’enverra longtemps ses ordres à Bruxelles ; je les recevrai beaucoup plus tôt, et plus sûrement que quand ils faisaient tant de cascades de Paris à Bar-le-Duc et à Cirey. Je recevrai au moins vos ordres directement, dans l’espérance qu’un jour, avant de mourir, videbo dominum meum facie ad faciem[4].
Je prends la liberté d’adresser à Votre Altesse royale une petite relation, non pas de mon voyage, mais de celui de M. le baron de Gangan[5]. C’est une fadaise philosophique qui ne doit être lue