longtemps qu’un neveu de Chauvelin écrivit à cet ambitieux solitaire[1] que notre cardinal dépérissait, et qu’il mettait du rouge pour cacher le livide de son teint. Le cardinal, qui le sut, fit frotter ses joues par ce neveu, et lui montra que son rouge venait de sa santé.
La malheureuse goutte ne quittera-t-elle point M. de keyserlingk ! Je suis, etc.
Mon cher ange saura que j’ai reçu aujourd’hui sa lettre et le cinquième acte de Zulime ; que j’ai obéi sur-le-champ, que j’ai travaillé, que j’ai renvoyé le tout. Mes anges, je suis votre diable de la chose impossible[2] ; vous ordonnez toujours, et je rabote toujours. Mais Zulime réussira-t-elle ? Je l’espère à la fin. J’ai relu ce cinquième acte avec quelque satisfaction. Marions donc Zulime avant d’établir son gros frère Mahomet. Qu’est-ce que cette comédie nouvelle qu’on joue[3] ? Me voilà probablement remis après le saint temps de Pâques. Tant mieux, je n’ai dans tout ceci ni lenteur ni empressement dans l’esprit : jamais mes anges ne trouveront créature plus résignée ; d’ailleurs, je suis si heureux ici que rien ne m’inquiète. Adieu, couple adorable ; il ne me manque que vous. J’écris à M. de Pont-de-Veyle et à Mlle Quinault.
Mon cher Voltaire, je ne puis répondre qu’en deux mots à la lettre la plus spirituelle du monde, que vous m’avez écrite. La situation où je me trouve me rétrécit si fort l’esprit que je perds presque la faculté de penser.
Aux portes de la mort, un père à l’agonie,
Assailli de cruels tourments,
Me présente Atropos prête à trancher sa vie.
Cet aspect douloureux est plus fort sur mes sens
Que toute ma philosophie.
- ↑ Germain-Louis de Chauvelin, exilé à Bourges depuis le 20 février 1737. Voyez tome XXXIII, pages 181 et 207.
- ↑ C’est le titre d’un conte de La Fontaine.
- ↑ Ce doit être les Dehors trompeurs, ou l’Homme du jour, comédie en cinq actes et en vers, de Boissy, jouée sur le Théâtre-Français, pour la première fois, le 19 février 1740.
