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FRAGMENT 1

d’un

DISCOURS HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR DON PÈDRE.

Les raisonneurs, qui sont comme moi sans génie, et qui dissertent aujourd'hui sur le siècle du génie, répètent souvent cette antithèse de La Bruyère, que Racine a peint les hommes tels qu’ils sont, et Corneille tels (ju’ils devraient être. Ils répètent une insigne fausseté, car januiis ni JJajazet, niXipharès, ni Britannicus, ni Hippolyte, n’ont fait l’amour comme ils le font galamment dans les tragédies de Racine : et jamais César n’a dû dire, dans le Pompée de Corneille, à Cléopàtre, qu’il n’avait combattu à Pharsale que pour mériter son amour avant de l’avoir vue ; il n’a jamais dû lui dire que son glorieux titre de premier du monde, à présent e/Jeetif, est ennobli par celui de captif de la petite Cléopàtre, âgée de quinze ans, qu’on lui amena dans un paquet de linge. Ni Cinna ni Maxime n’ont dû être tels que Corneille les a peints. Le devoir de Cinna ne pouvait être d’assassiner Auguste pour plaire à une fille qui n’existait point. Le devoir de Maxime n’était pas d’être amoureux de cette même fille, et de trahir à la fois Auguste, Cinna, et sa maîtresse. Ce n’était pas là ce Maxime à qui Ovide écrivait qu’il était digne de son nom :

Maxime, qui tanti niensuram noniinis impies.

Le devoir de Félix, dans Polyeucte, n’était pas d’être un lâche barbare qui faisait couper le cou à son gendre,

\. Ce fragment se trouvait imprimé à la suite de la tragédie de Don Pèdre dans les éditions précédentes. (K.) — Je n’ai trouvé ce fragment ni dans l’édition originale de Don Pèdre, ni dans le tome X de l’édition encadrée des Œuvres de Voltaire, ni dans le tome XXVI de l’édition in-4o, daté de 1777. (B.)