Page:Voltaire Dialogues philosophiques.djvu/20

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II. — PENDANT LE DÎNER


L’ABBÉ. — Ah ! madame, vous mangez gras un vendredi sans avoir la permission expresse de monseigneur l’archevêque ou la mienne ! ne savez-vous pas que c’est pécher contre l’Église ? Il n’était pas permis chez les Juifs de manger du lièvre, parce qu’alors il ruminait, et qu’il n’avait pas le pied fendu ; c’était un crime horrible de manger de l’ixion et du griffon.


LA COMTESSE. — Vous plaisantez toujours, monsieur l’abbé ; dites-moi de grâce ce que c’est qu’un ixion.


L’ABBÉ. — Je n’en sais rien, madame ; mais je sais que quiconque mange le vendredi une aile de poulet sans la permission de son évêque, au lieu de se gorger de saumon et d’esturgeon, pèche mortellement ; que son âme sera brûlée en attendant son corps, et que, quand son corps la viendra retrouver,