Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/19

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gurait et qui défiguraient. Cette réaction ne pouvait avoir lieu en faveur d’une forme allemande étouffée, car en réalité il n’en existait aucune ; aussi ce mouvement poussait-il à la découverte d’une forme idéale, purement humaine, et qui n’appartînt pas exclusivement à une nationalité. L’activité si originale, si nouvelle, sans analogue dans l’histoire de l’art, des deux grands poëtes allemands, Gœthe et Schiller, a son trait distinctif : c’est la première fois que cette recherche d’une forme idéale, purement humaine, d’une valeur illimitée, soit devenue l’objet du génie, et cette recherche constitue, ou peu s’en faut, un des buts essentiels de leurs créations. Rebelles au joug de la forme dont les nations romanes acceptaient encore la loi, ils furent conduits à considérer cette forme en elle-même, à se rendre compte de ses inconvénients comme de ses avantages, à remonter de ce qu’elle est actuellement jusqu’à l’origine de toutes les formes de l’art en Europe, à savoir la forme grecque, à s’ouvrir avec la liberté nécessaire la pleine intelligence de la forme antique, à s’élever enfin, appuyés sur celle-ci, à une forme idéale, purement humaine, affranchie de toute entrave de mœurs nationales, appelée par conséquent à transformer ces mœurs nationales en mœurs purement humaines, soumises uniquement aux lois éternelles. L’infériorité, où la nation allemande s’était trouvée jusqu’ici vis-à-vis des nations romanes, devenait un avantage. Le Français, par exemple, se trouvant en face d’une forme perfectionnée, dont toutes les parties constituaient un harmonieux ensemble, assujettie à des lois qui le contentaient pleinement