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tions, tout fut peine perdue. Enfin je dus comprendre clairement dans quel but on cultive le théâtre moderne, et pourquoi est fait en particulier l’opéra ; et cette découverte, à laquelle je ne pus fermer les yeux, fut ce qui me remplit de dégoût, de désespoir, à tel point, qu’abjurant tout essai de réforme, je rompis tout commerce avec cette frivole institution.

Les circonstances m’engageaient puissamment à m’expliquer la constitution du théâtre moderne, et sa résistance à tout changement, par la place qu’il occupe dans la société. Je voyais dans l’opéra une institution dont la destination spéciale est presque exclusivement d’offrir une distraction et un amusement à une population aussi ennuyée qu’avide de plaisir ; je le voyais en outre obligé de viser au résultat pécuniaire pour faire face aux dépenses que nécessite l’appareil pompeux qui a tant d’atIrait ; et je ne pouvais me cacher qu’il y eût une vraie folie à vouloir tourner cette institution vers un but diamétralement opposé, c’est-à-dire l’appliquer à arracher un peuple aux intérêts vulgaires qui l’occupent tout le jour pour l’élever au culte et à l’intelligence de ce que l’esprit humain peut concevoir de plus profond et de plus grand. J’avais le temps de réfléchir sur les raisons qui ont réduit le théâtre à ce rôle dans notre vie publique ; de rechercher d’autre part les principes sociaux qui auraient le théâtre, tel que je le rêvais, pour résultat aussi nécessaire que l’est le théâtre actuel de l’état de la société moderne. J’avais trouvé dans quelques rares créalions d’artistes inspirés une base réelle où asseoir mon idéal dramatique et musical ; maintenant l’histoire m’of-