Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/28

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définitive leur puissance d’expression, essayer pourtant, sans retomber dans leur rudesse native et se corrompre fatalement, de remplacer d’une façon quelconque cet art d’une portée sans limites, qui résultait précisément de leur réunion. Fort de l’autorité des plus éminents critiques, par exemple des recherches d’un Lessing sur les limites de la peinture et de la poésie, je me crus en possession d’un résultat solide : c’est que chaque art tend à une extension indéfinie de sa puissance, que cette tendance le conduit finalement à sa limite, et que cette limite il ne saurait la franchir sans courir le risque de se perdre dans l’incompréhensible, le bizarre et l’absurde. Arrivé là, il me sembla voir clairement que chaque art demande, dès qu’il est aux limites de sa puissance, à donner la main à l’art voisin ; et, en vue de mon idéal, je trouvai un vif intérêt à suivre cette tendance dans chaque art particulier ; il me parut que je pouvais la démontrer de la manière la plus frappante dans les rapports de la poésie à la musique, en présence surtout de l’importance extraordinaire qu’a prise la musique moderne. Je cherchais ainsi à me représenter l’œuvre d’art qui doit embrasser tous les arts particuliers et les faire coopérer à la réalisation supérieure de son objet ; j’arrivai par cette voie à la conception réfléchie de l’idéal qui s’était obscurément formé en moi, vague image à laquelle l’artiste aspirait. La situation subordonnée du théâtre dans notre vie publique, situation dont j’avais si bien reconnu le vice, ne me permettait pas de croire que cet idéal pût arriver de nos jours à une réalisation complète ; je le désignai donc sous le nom