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Munich, 4 mai 1864.
Cour de Bavière.
Très chère amie,

Je serais le plus ingrat des hommes si je ne vous faisais part sur-le-champ de mon immense bonheur !

Vous savez que le jeune roi de Bavière m’a fait chercher, je lui ai été présenté aujourd’hui. Il est malheureusement si beau, si intelligent, si ardent et si grand, que je crains que sa vie s’évanouisse dans ce monde vulgaire comme un rêve fugitif et divin. Il m’aime avec l’ardeur et la ferveur du premier amour, il sait et connaît tout ce qui me concerne. Il veut que je reste à jamais près de lui, que je travaille, que je me repose et que je fasse exécuter mes œuvres ; il veut me donner tout ce dont j’ai besoin ; il veut que je termine les Nibelungen et il les fera exécuter comme je le désire. Et tout cela, il l’entend sérieusement et littéralement, comme vous et moi, quand nous parlions ensemble. Tout souci pécuniaire doit m’être enlevé ; j’aurai ce dont j’ai besoin, à la seule condition que je reste auprès de lui.

Que dites-vous de cela ? Qu’en dites-vous ? N’est-ce pas inouï ? Est-ce que cela peut être autre chose qu’un rêve ?

Pensez comme je suis ému !

Mille amitiés sincères ! Mon bonheur est si grand que j’en suis écrasé. Quant au charme de son œil, vous ne pouvez vous en faire une idée : pourvu qu’il vive ! C’est un miracle par trop inouï !