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Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ;
Il les ferme à demi, parfois, en reniflant,
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.

(Les Musardises.)

L’HEURE CHARMANTE

Le repas s’achevait en musique, aux bougies.
Le vieux parc n’était plus le parc aux élégies,
Mais s’éclairait de ces lanternes du Japon
Qui, sous le fil de fer léger qui leur sert d’anse,
Au moindre éveil de brise entrent toutes en danse,
En étirant leurs corps annelés de crépon.

Des reflets s’en allaient sous l’eau du lac moirée
Croiser leurs vrilles d’or. Ce fut une soirée
Unique. Le feuillage était notre plafond ;
Des étoiles luisaient dans tous les interstices ;
Les décors naturels se mêlaient aux factices ;
L’amour était frivole, ému, libre, profond.

Le réel avait tu sa rumeur importune,
Les ombrelles des pins se veloutaient de lune,
Un désordre joyeux régnait dans le couvert ;
Les candélabres hauts de vieille argenterie
Portaient à chaque branche une flamme fleurie
D’un lilliputien abat-jour, mauve ou vert.

Ce fut une soirée unique de magie
Et dont nous garderons toujours la nostalgie :
Les cœurs étaient de choix, les esprits aristos ;
Les silences disaient des passages de rêves ;
Puis les mots repartaient, ennoblis par ces trêves,
Et les âmes vibraient ainsi que les cristaux.

Le vin était d’Asti ; le luxe, véritable ;
Des violettes en tous sens jonchaient la table ;
Les unes se mouraient : elles étaient des bois ;
D’autres duraient encore : elles étaient de Parme ;
D’un verre qu’on eût dit soufflé dans une larme,
Des roses s’effeuillaient d’un seul coup, quelquefois.