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Ces voix discrètes, ces musiques, ces silences,
Cette complicité parfaite d’indulgents,

La fraîcheur sous les doigts de ces perles, ces grâces,
Cette confusion d’esprits de toutes races,
Ces minutes, ce parc où l’on était si bien,
Joignaient le charme encor, a tant de charmes rares,
De tout ce que déjà menacent les barbares,
De tout ce dont bientôt il ne restera rien.


LE SOUVENIR VAGUE
OU
LES PARENTHÈSES


Nous étions, ce soir-là, sous un chêne superbe
(Un chêne qui n’était peut-être qu’un tilleul),
Et j’avais, pour me mettre à vos genoux dans l’herbe,
Laissé mon rocking-chair se balancer tout seul.

Blonde comme on ne l’est que dans les magazines,
Vous imprimiez au vôtre un rythme de canot ;
Un bouvreuil sifflotait dans les branches voisines
(Un bouvreuil qui n’était peut-être qu’un linot).

D’un orchestre lointain arrivait un andante
(Andante qui n’était peut-être qu’un flon-flon),
Et le grand geste vert d’une branche pendante
Semblait, dans l’air du soir, jouer du violon.

Tout le ciel n’était plus qu’une large chamarre,
Et l’on voyait au loin, dans l’or clair d’un étang
(D’un étang qui n’était peut-être qu’une mare),
Des reflets d’arbres bleus descendre en tremblotant.

Et tandis qu’un espoir ouvrait en moi des ailes
(Un espoir qui n’était peut-être qu’un désir),
Votre balancement m’éventait de dentelles
Que mes doigts au passage essayaient de saisir.

Sur le nombre des plis de vos volants de gazes
Je faisais des calculs infinitésimaux,
Et languissants, distraits, nous échangions des phrases
(Des phrases qui n’étaient peut-être que des mots).