Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/11

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sa physionomie tranchait sur toutes les autres. Ce n’était pas sa haute taille qui le désignait à l’attention, car les Américains de vieille race ont souvent cette stature élancée : c’était plutôt sa prestance et sa démarche. En dépit d’une claudication pénible, il avait en effet l’aspect à la fois nonchalant et volontaire d’un homme qui a conservé toute sa vigueur physique. Sa mine distante et triste, sa tête grisonnante, ses gestes lents, lui donnaient néanmoins un tel air de vieillesse que je fus tout étonné d’apprendre qu’il n’avait que cinquante-deux ans.

Ce fut Harmon Gow qui me renseigna sur son âge. Harmon Gow avait autrefois conduit la diligence qui faisait le service entre Starkfield et le gros bourg de Bettsbridge, à l’époque où les tramways électriques n’existaient pas encore, et il connaissait sur le bout du doigt la chronique intime de toutes les familles qui habitaient sur son ancien parcours.

— Il a cette tête-là depuis son accident, me dit-il, hachant ses phrases au gré de ses souvenirs. Et il y aura en février prochain vingt-quatre ans de cela…

Ce fut lui aussi qui me raconta quelle fut l’origine de la cicatrice rouge barrant le front d’Ethan Frome. Elle datait de l’accident qui, du même coup, lui avait tordu et noué tout le côté droit. Depuis lors,