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CHAPITRE XIII.

peu par suite d’une dilatation et d’une contraction inégales. La gelée, ne pénétrant pas dans l’intérieur de la pierre, ne peut en détacher d’énormes masses ; ils sont usés par un lent frottement au lieu d’être fendus. Ce ne sont pas des fragments mais des atomes qui disparaissent. La glace forme un pont au-dessus des fissures et des surfaces inclinées qu’elle ne peut atteindre. (Voy. p. 150.) Après plusieurs siècles d’érosion, on trouve encore dans les lee-sides une quantité de surfaces anguleuses qui existaient déjà quand l’action de la glace n’avait pas encore commencé à se faire sentir.

Les principaux effets de la chaleur, du froid, de l’eau et de la glace sur les rochers diffèrent ainsi que nous allons le rappeler. Les trois premiers de ces agents de destruction profitent des moindres fêlures, des plus petites fissures, pour y pénétrer ; le quatrième agit tout autrement. La chaleur, l’eau, le froid peuvent agir au-dessous des masses de glace les plus épaisses, la glace ne le peut pas. Les effets des trois premières causes augmentent incessamment, parce qu’elles mettent constamment de nouvelles surfaces à découvert en formant de nouvelles fissures, de nouvelles crevasses, de nouveaux trous ; les effets produits par les glaciers diminuent constamment, parce que les surfaces sur lesquelles ils opèrent diminuent à mesure qu’elles deviennent plus unies et plus planes.

Quelle conclusion tirer de ces préliminaires, si ce n’est que le soleil, la gelée et l’eau ont infiniment plus contribué que les glaciers à donner aux montagnes et aux vallées leurs formes actuelles ? Des forces, en tout temps, en tous lieux, toujours actives et persistantes, ont dû, qui refuserait de le croire ? produire des effets plus considérables qu’une force isolée et de toute nécessité locale, dont non-seulement l’action n’a pu se faire sentir comparativement que pendant un laps de temps assez court, mais dont la puissance tend sans cesse à diminuer.

Quelques personnes refusent encore de croire que l’action combinée du soleil, de la gelée et de l’eau ont joué un rôle important dans la configuration des Alpes ; elles soutiennent comme un article de foi que la région alpestre « doit princi-