Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/29

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Le livre de M. Rossetti est absolument raté. Et, pour commencer, M. Rossetti commet la grave erreur de séparer l’homme de l’artiste.

Les faits de la vie de Keats ne sont intéressants qu’à la condition de les montrer dans leur rapport avec son activité créatrice.

Dès qu’ils sont isolés, ils perdent tout intérêt ou même deviennent pénibles.

M. Rossetti se plaint de ce que les débuts de la vie de Keats soient dépourvus d’incidents, de ce que la dernière période soit décourageante, mais la faute est imputable au biographe et non au sujet.

Le livre s’ouvre par un récit détaillé de la vie de Keats, où il ne nous fait grâce de rien, depuis ce qu’il appelle la « mésaventure sexuelle d’Oxford » jusqu’aux six semaines de dissipation après l’apparition de l’article du Blackwood et aux propos que tenait le mourant dans son délire loquace.

A n’en pas douter, tout, ou presque tout ce que nous rapporte M. Rossetti, est vrai, mais il ne fait preuve ni de tact dans le choix des faits, ni de sympathie dans sa manière de les traiter.

Lorsque M. Rossetti parle de l’homme, il oublie le poète, et lorsqu’il juge le poète, il montre qu’il ne comprend point l’homme.

Prenez par exemple sa critique de la merveilleuse Ode à un rossignol, d’une si étonnante magie d’harmonie, de couleur et de forme.

Il commence par dire que « la première marque de faiblesse » dans la pièce est « l’abus des allusions mythologiques », assertion complètement fausse, car sur