Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/66

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ailes » perd dans son écoulement, dans sa liberté, un peu de sa dignité, de son calme.

Ici, il faut reconnaître que nous sommes privés de quelque chose de réel, car il y a dans Homère une forte proportion de l’allure hautaine de Milton, et si la rapidité est une des qualités de l’hexamètre grec, la majesté est une autre de ses qualités distinctives entre les mains d’Homère.

Toutefois ce défaut, si nous pouvons appeler cela un défaut, paraît presque impossible à éviter : car pour certaines raisons métriques un mouvement majestueux dans le vers anglais est de toute nécessité un mouvement lent, et tout bien considéré, quand on a dit tout ce qu’on pouvait dire, combien l’ensemble de cette traduction est admirable !

Si nous écartons ses nobles qualités comme poème, et ne l’examinons qu’au point de vue du lettré, comme elle va droit au but, comme elle est franche et directe !

Elle est, à l’égard de l’original, d’une fidélité qu’on ne retrouve en aucune autre traduction en vers dans notre littérature, et pourtant cette fidélité n’est point celle d’un pédant en face de son texte : c’est plutôt la magnanime loyauté de poète à poète.

Lorsque parut le premier volume de M. Morris, nombre de critiques se plaignirent de ce qu’il employait de temps à autre des mots archaïques, des expressions peu usitées qui ôtaient à sa traduction sa simplicité homérique.

Toutefois ce n’est point là une critique heureuse, car si Homère est, sans contredit, simple dans sa