Page:Wilde - Le Crime de Lord Arthur Savile, trad. Savine, 1905.djvu/153

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mais les choses comme elles sont. Je les vois toujours très différentes de ce qu’elles sont. Quant à me tenir au sec, c’est qu’il n’y a évidemment ici personne qui sache apprécier à fond une nature délicate. Heureusement pour moi peu m’importe. La seule chose qui soutient quelqu’un dans la vie, c’est la conscience de l’immense infériorité de ses semblables et c’est là un sentiment que j’ai toujours entretenu en moi. Mais aucun de vous n’a de cœur. Vous criez et vous vous réjouissez comme si le prince et la princesse n’étaient pas en train de se marier.

— Eh ! s’exclama un petit globe à feu. Pourquoi pas ? C’est une joyeuse occasion et quand je rugirai dans l’air, je me propose d’en faire part à toutes les étoiles. Vous les verrez briller quand je leur parlerai de la jolie mariée.

— Oh ! quelle idée banale de la vie ! dit la fusée, mais je n’attendais pas autre chose. Il n’y a rien en vous. Vous êtes creux et vide. Bah ! peut-être le prince et la princesse iront-ils vivre dans un pays où il y a une profonde rivière, peut-être auront-ils un seul fils, un