Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/298

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aussi immorale que ridicule, aussi corruptrice que méprisable.

Et ce n’est pas tout à fait sa faute.

Le public a toujours, et dans tous les siècles, été mal éduqué. Il demande constamment à l’Art d’être populaire, de flatter son manque de goût, d’aduler son absurde vanité, de lui dire ce qui lui a déjà été dit, de lui montrer ce qu’il devrait être las de voir, de l’amuser quand il se sent alourdi par un trop copieux repas, de lui distraire l’esprit quand il est accablé par sa propre stupidité.

Or, l’Art ne doit jamais chercher à être populaire. C’est au public lui-même à tâcher de se rendre artistique.

C’est là une différence très profonde.

Dites à un homme de science que les résultats de ses expériences, les conclusions auxquelles il est arrivé doivent être de nature à ne point bouleverser les notions que possède le public sur le sujet, de nature à ne point déranger les préjugés populaires, ne point froisser la sensibilité de gens qui n’entendent rien à la science, — dites à un philosophe qu’il a