Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/80

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ensevelis en secret dans une petite vigne, hors de la ville, par quelques jeunes gens « qui s’étaient plu à leurs représentations et dont quelques-uns avaient rêvé d’être instruits dans les mystères de l’art nouveau. » Certes, il ne pouvait y avoir de place plus appropriée pour celui à qui Shakespeare avait dit :

« Tu es tout mon art, »

que cette petite vigne au delà des murs de la cité. Car n’était-ce pas des douleurs de Dionysos que la tragédie était née ? N’avait-on pas pour la première fois entendu s’épanouir sur les lèvres des vignerons de Sicile le rire clair de la comédie, avec sa gaîté insoucieuse et ses vives reparties. Et qui plus est, la tache pourprine et rouge du vin écumant sur le visage et aux mains n’avait-elle pas donné la première suggestion du charme et de la fascination du déguisement, le désir de dépouiller sa personnalité, le sens de la valeur de l’objectivité se montrant ainsi dans les rudes débuts de l’art.