Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/105

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qui se meut dans un air pur, l'agile et pure beauté

 des membres forts chez les hommes libres, et les
 femmes chastes, ces choses-là élèvent nos âmes
 plus haut que ne saurait le faire la maigre et aveugle
 Sibylle d'Agnelo, penchée sur le livre des douleurs
 humaines,
 ou que la fillette que Titien représente toute
 blanche sur un escalier, près de son lit, charmant,
 qu'elle égale en hauteur, ou que Mona Lisa souriant
 à travers ses cheveux. Ah! quoi qu'on pense, la vie
 est, après toute chose, plus vaste qu'aucun ange
 peint, si nous étions en état de voir le Dieu qui est
 au dedans de nous. La sérénité grecque de jadis,
 qui maîtrise la passion, ou cette ligne bien droite
 chez les vierges de marbre, qu'on voit, sans trouble
 dans le regard, sans agitation dans les membres,
 chevaucher autour du Temple d'Athéné, et en
 refléter les divines ordonnances, et cette exacte symétrie
 de toutes les choses qui dans l'homme se
 livreraient sans cela d'incessants combats,--tout
 au moins dans l'intervalle,
 qui s'étend des baisers maternels à la tombe,
 voilà sans doute de quoi gouverner nos vies, et
 nous assurer un empire assez puissant pour que la
 tentation s'enroue à appeler du fond de sa caverne,
 pour que le blême Péché marche courbé sous la
 honte de ses adultères, pour que la Passion, en