Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/319

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aimée. Adolescent que j'étais, pouvais-je faire autrement,

 --car les dents voraces du Temps dévorent,
 et les années au pas silencieux pourchassant.
 Nous allons, emportés sans gouvernail, au gré
 d'une tempête, et quand est passé l'orage de la jeunesse,
 plus de lyre, plus de luth, plus de choeur;
 alors parait la mort, pilote silencieux.
 Et au dedans de la tombe, il n'est plus de plaisir,
 car l'orvet s'engraisse de corruption, et le désir,
 après un frisson, devient cendre, et l'arbre
 de la passion ne porte pas de fruit.
 Ah! que pouvais-je faire, sinon vous aimer? La
 Mère même de Dieu m'était moins chère, et moins
 chère la déesse de Cythère surgissant de la mer
 comme un lis d'argent.
 J'ai fait mon choix, j'ai vécu mes poèmes, et
 bien que ma jeunesse se soit dissipée en jours gaspillés,
 j'ai trouvé la couronne de myrte de l'amant
 préférable à la couronne de laurier du poète.