Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/47

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étreinte, oublièrent un instant leurs furtives caresses,

 s'imaginant avoir entendu le cri plein de
 menace et de colère de Diane; et les rudes veilleurs,
 sur leurs sièges élevés, se hâtèrent vers leurs boucliers,
 ou tendirent leurs cous hérissés d'une
 barbe noire par-dessus l'ombre des créneaux.
 Car tout autour du temple roulait un cliquetis
 d'armes, et les douze Dieux sursautèrent d'effroi
 dans leur marbre. L'air retentit d'appels discordants.
 Enfin le vaste Poséidon brandit sa lance et les chevaux
 qui bondissent sur la frise se mirent à hennir,
 et du cortège équestre arriva un bruit sourd de pas
 qui se hâtent.
 Prêt à la mort, il resta immobile, les lèvres entr'ouvertes,
 tout heureux qu'à un tel prix il pût
 voir ce calme et vaste front, cette redoutable virginité,
 la merveille de cette chasteté impitoyable. Ah!
 certes il était heureux, car jamais, depuis le jeune
 prince-berger de Troie, créature humaine n'avait
 eu sous les yeux un spectacle aussi étonnant.
 Il restait immobile, prêt à mourir, mais soudain
 l'air devint silencieux, les chevaux cessèrent de
 hennir; il repoussa en arrière son épaisse chevelure;
 il rejeta les vêtements qui couvraient ses
 membres, car quel est celui qu'un tel amour ne forcerait
 pas à tout oser; et il lui boucha la gorge,
 et de ses mains sacrilèges