Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/51

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 Et quand le faucheur au pied léger se rendit aux
 champs par les prairies que voilaient comme une
 dentelle les fils de la rosée, quand les brebis bêlèrent
 sous le brouillard de la lande, quand le râle des
 prés se réveilla et s'envola de son nid, des bûcherons
 aperçurent le jeune homme allongé près
 du ruisseau, et se demandèrent avec grande surprise
 comment un adolescent pouvait être aussi
 beau.
 Et ils jugèrent qu'il n'était point de la race des
 mortels, et l'un d'entre eux dit: «C'est le jeune
 Hylas, ce vagabond infidèle qui, oubliant Héraklès,
 aura voulu coucher avec une Naïade»; mais
 d'autres dirent: «Non, c'est Narcisse, épris de
 lui-même. Ce sont bien là ces lèvres caressantes,
 purpurines, que nulle femme ne peut tenter.»
 Et quand ils furent plus près, un troisième
 s'écria: «C'est le jeune Dionysos, qui aura caché
 au bord du ruisseau sa lance et sa peau de faon,
 las de chasser avec la Bassaride, et nous agirions
 sagement en prenant la fuite: ils ne vivent pas
 longtemps, ceux qui viennent épier les dieux immortels.»
 Ainsi donc, ils s'en allèrent, se gardant bien de
 tourner la tête, et ils contèrent au timide berger
 comment ils avaient aperçu je ne sais quel dieu de
 la forêt couché parmi les roseaux, et nul n'osa