Page:Young - Les Nuits, trad. Le Tourneur, t. 1-2, 1827.djvu/38

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ont battu mes sens pendant le sommeil de ma raison! Comme j'errais de malheurs en malheurs! J'éprouvais toutes les horreurs du désespoir pour des infortunes imaginaires. Rendu à moi-même et retrouvant ma raison, qu'ai-je gagné à m'éveiller? Hélas! je n'ai fait que changer de maux, et je trouve la vérité plus cruelle encore que le mensonge. Les journées sont trop courtes pour suffire à ma douleur. Et la nuit, oui, la nuit la plus noire, au moment même où elle s'enveloppe des ténèbres les plus profondes, est encore moins triste que ma destinée, moins sombre que mon âme.

Maintenant arrivée au milieu de son cercle, assise au haut des airs sur son trône d'ébène, la nuit, comme un Dieu dans une majesté voilée et sans rayons, étend son sceptre de plomb sur un monde assoupi. Quel silence absolu! Quelle obscurité profonde! L'œil ne voit aucun objet : l'oreille n'entend aucun son. Toute la création dort. Tout paraît mort. Il semble que le mouvement qui donne la vie à l'univers se soit arrêté, et que la nature fasse une pause. Repos terrible; image prophétique de la fin du monde!... Qu'elle ne tarde