Page:Young - Les Nuits, trad. Le Tourneur, t. 1-2, 1827.djvu/45

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nais au milieu de cette draperie magnifique dont j'avais tapissé mon séjour! Semblable au ver qui file la soie, je me plaisais à m'envelopper de ces voiles tissus par ma folie. J'épaississais le bandeau qui dérobait à la raison la vue des cieux et de la vérité. Perdant par degrés sa lumière, aveuglé par mes mains, et rampant dans les ténèbres que j'avais formées, je me roulais dans ma chaîne et m'en entourais sans fin. J'idolâtrais mon erreur : le monde et mon cœur étroitement unis, cimentés ensemble, étaient devenus inséparables. Je me repaissais du fol espoir de trouver ici le bonheur, lorsque tout-à-coup je me suis éveillé au bruit perçant de la cloche funèbre qui ne cesse de sonner tout le jour et d'envoyer des milliers d'hommes aux autels de l'insatiable mort. Frappé de terreur à mon réveil, je me suis regardé et j'ai frémi en me voyant moi-même à demi décédé. Douces illusions, richesses imaginaires, qu'êtes-vous devenues ? De cet empire si brillant et si vaste où mon âme faisait la souveraine, que lui reste-il aujourd'hui ? Une frêle demeure d'argile qui déjà tombe en ruines de toutes parts. Oui, les fils dont l'industrieuse araignée ourdit sa toile,