Page:Young - Les Nuits, trad. Le Tourneur, t. 1-2, 1827.djvu/57

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nous reposons fièrement sur le présent sans aucune inquiétude de l'avenir, et nous nous croyons plus sages que nos pères. A trente ans l'homme soupçonne qu'il pourrait bien agir en insensé. Il en est convaincu à quarante, et réforme son plan. A cinquante il se reproche ses délais honteux, et son projet d'être sage devient enfin une résolution arrêtée : il la renouvelle encore. C'est demain qu'il l'exécute. Il meurt toujours le même. Ainsi le délai nous vole le temps, année par année, jusqu'à ce qu'elles soient épuisées, et nous ne nous laissons qu'un moment pour les grands intérêts de l'éternité.

Les hommes vivent comme s'ils ne devaient jamais mourir; à les voir agir, on dirait qu'ils n'en sont pas bien persuadés. Ils s'alarment pourtant, lorsque la mort frappe près d'eux quelque coup inattendu. Les cœurs sont dans l'effroi. Mais quoique nos amis disparaissent, et que nous soyons blessés nous-mêmes du coup qui les tue, la plaie ne tarde pas à se cicatriser. Nous oblions que la foudre est tombée, dès que ses feux sont éteints. La trace du vol de l'oiseau ne s'efface pas plus vite dans les airs, ni le sillon du vaisseau sur les