Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/100

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elle avait ce jour-là une robe bleu de ciel pailletée d’argent, des bracelets d’argent, un cercle d’argent dans ses cheveux cendrés, dont la toison pleuvait en boucles, en frisons, en mèches folles, comme envolée sous un continuel coup de vent.

— Mais tout ce que vous voudrez ! monsieur l’abbé, dit-elle à Pierre, dès qu’elle connut le motif de sa démarche. Si on ne vous le prend pas à notre Asile, votre vieillard, envoyez-le-moi donc, je le prends, moi ! je le coucherai ici quelque part.

Elle restait agitée, regardait toujours la porte. Et, quand le prêtre lui demanda si madame la baronne Duvillard était arrivée déjà :

— Eh ! non, cria-t-elle. Vous m’en voyez toute surprise. Elle doit amener ses deux enfants… Hier, Hyacinthe m’a formellement promis de venir.

Son nouveau caprice était là. Si la passion de la chimie, en elle, laissait place à un goût naissant pour la poésie décadente et symbolique, c’était qu’elle avait, un soir, en causant occultisme avec Hyacinthe, découvert en lui une extraordinaire beauté, la beauté astrale de l’âme voyageuse de Néron. Du moins, disait-elle, les signes étaient certains.

Brusquement, elle quitta Pierre.

— Ah ! enfin, murmura-t-elle, soulagée, heureuse.

Et elle se précipita. Hyacinthe entrait avec sa sœur Camille. Mais, dès le seuil, il venait de rencontrer l’ami pour lequel il venait, le jeune lord Elson, un éphèbe languide et pâle, à la chevelure de fille ; et ce fut à peine s’il daigna remarquer l’accueil tendre de Rosemonde ; car il professait que la femme était une bête impure et basse, salissante pour l’intelligence comme pour le corps. Désolée de cette froideur, elle suivit les deux jeunes gens, elle rentra derrière eux dans la vivante odeur, dans l’aveuglante fournaise du salon.