Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/72

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— Mais, monsieur, c’est justement madame la baronne Duvillard qui m’a envoyé à vous, en m’affirmant que vous seul aviez l’autorité nécessaire pour décider une admission immédiate, dans un cas exceptionnel.

— Ah ! c’est la baronne qui vous envoie, ah ! que je la reconnais bien là, incapable de prendre un parti, trop soucieuse de sa paix pour accepter jamais une responsabilité !… Pourquoi veut-elle que ce soit moi qui aie des ennuis ? Non, non, monsieur l’abbé, je n’irai à coup sûr pas contre tous nos règlements, je ne donnerai pas un ordre qui me fâcherait peut-être avec toutes ces dames. Vous ne les connaissez pas, elles deviennent terribles, dès qu’elles sont en séance.

Il s’égayait, il se défendait d’un air de plaisanterie, très résolu, au fond, à ne rien faire. Et, brusquement, Dutheil reparut, se précipita, nu-tête, courant les couloirs pour racoler les absents, intéressés dans la grave discussion qui s’ouvrait.

— Comment, Fonsègue, vous êtes encore là ? Allez, allez vite à votre banc ! C’est grave.

Et il disparut. Le député ne se hâta pourtant pas, comme si l’aventure louche qui passionnait la salle des séances ne pût le toucher en rien. Il souriait toujours, bien qu’un léger mouvement fébrile fit battre ses paupières.

— Excusez-moi, monsieur l’abbé, vous voyez que mes amis ont besoin de moi… Je vous répète que je ne puis absolument rien pour votre protégé.

Mais Pierre ne voulut pas encore accepter cette réponse comme définitive.

— Non, non ! monsieur, allez à vos affaires, je vais vous attendre ici… Ne prenez pas un parti, sans y réfléchir mûrement. On vous presse, je sens que vous ne m’écoutez pas avec assez de liberté. Tout à l’heure, quand vous reviendrez et que vous serez tout à moi,