Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/61

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les traits, rendant la sinistre ressemblance plus frappante. Mais Camille était enchanté ; il disait que sur la toile il avait un air distingué.

Quand il eut bien admiré sa figure, il déclara qu’il allait chercher deux bouteilles de vin de Champagne. Madame Raquin redescendit à la boutique. L’artiste resta seul avec Thérèse.

La jeune femme était demeurée accroupie, regardant vaguement devant elle. Elle semblait attendre en frémissant. Laurent hésita ; il examinait sa toile, il jouait avec ses pinceaux. Le temps pressait, Camille pouvait revenir, l’occasion ne se représenterait peut-être plus. Brusquement, le peintre se tourna et se trouva face à face avec Thérèse. Ils se contemplèrent pendant quelques secondes.

Puis, d’un mouvement violent, Laurent se baissa et prit la jeune femme contre sa poitrine. Il lui renversa la tête, lui écrasant les lèvres sous les siennes. Elle eut un mouvement de révolte, sauvage, emportée, et, tout d’un coup, elle s’abandonna, glissant par terre, sur le carreau. Ils n’échangèrent pas une seule parole. L’acte fut silencieux et brutal.