Page:Zola - Vérité.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chez son gendre, à la Désirade, tirant de sa fille, la comtesse, tout un bénéfice de haute considération, si peu juif désormais, qu’il s’était enrôlé parmi les plus farouches antisémites, devenu en outre royaliste fervent, patriote et sauveur de la France. Et la marquise de Boise, fine et souriante, devait le modérer, ayant de son côté tiré de l’affaire, mûrement discutée et réalisée, tout le profit qu’elle en attendait pour son ami Hector de Sanglebœuf et pour elle-même.

Le mariage n’avait d’ailleurs rien changé à la situation, il n’y avait eu que la belle Lia de plus dans le ménage déjà vieux de la marquise et du comte. Celle-ci, belle encore, d’une beauté blonde qui se mûrissait, n’était sans doute pas jalouse, au sens étroit du mot, trop intelligente pour ne pas faire entrer les jouissances dorées de la vie dans le bonheur des longues liaisons paisibles. D’ailleurs, elle connaissait Lia, ce marbre admirable, cette idole d’égoïsme borné, simplement heureuse d’être mise au fond d’un sanctuaire, où l’entourage l’adorait, sans la fatiguer trop. Elle ne lisait même pas, lasse tout de suite. Elle passait très bien les journées assise, au milieu des égards, occupée de sa seule personne. Sans doute elle n’ignora pas longtemps la vraie situation de la marquise auprès de son mari ; mais elle écarta la fatigue d’une préoccupation pénible, elle finit même par ne plus pouvoir se passer de cette amie, qui l’entourait de caresses, se récriait d’une continuelle admiration, lui prodiguait les mots tendres, ma chatte, ma belle mignonne, mon cher trésor. Et jamais amitié ne fut plus touchante, la marquise eut bientôt sa chambre et son couvert à la Désirade. Puis, elle trouva une autre idée de génie, elle entreprit de convertir Lia à la religion catholique. Cette dernière fut d’abord terrifiée, redoutant qu’on ne la bousculât d’exercices et de pratiques. Mais, dès qu’on eut mis