Page:Zola - Vérité.djvu/105

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le perpétuel cristal d’une source qu’une nymphe galante y versait de son urne.

Tout de suite, en reconnaissant les visiteurs, qui, discrètement, s’étaient arrêtés à quelque distance, le baron s’avança, les prit à part, les fit même s’asseoir sur d’autres sièges, rangés là, de l’autre côté du bassin. Petit, un peu voûté, complètement chauve dès cinquante ans, avec un visage jaune, au nez épais, aux yeux noirs, des yeux de proie enfoncés sous de profondes arcades sourcilières, il avait pris une expression de sympathie chagrine, comme pour recevoir des gens en grand deuil, pleurant un parent. Du reste, la visite ne le surprenait pas, il devait l’attendre.

— Ah ! mon pauvre David, que je vous plains ! J’ai bien songé à vous, depuis le malheur… Vous savez toute l’estime que j’ai pour votre intelligence d’homme entreprenant et pour votre activité au travail… Mais quelle affaire, quelle abominable affaire votre frère Simon vous a mise là sur le dos ! Il vous compromet, il vous ruine, mon pauvre David !

Et, dans un élan de désespoir sincère, il leva ses mains frémissantes, il ajouta, comme s’il tremblait de voir recommencer les persécutions anciennes :

— Il nous compromet tous, le malheureux !

Alors, David, avec sa bravoure calme, plaida la cause de son frère, dit la conviction absolue où il était de son innocence, donna les preuves morales et matérielles selon lui irréfutables, tandis que Nathan hochait la tête d’un petit mouvement sec.

— Oui, oui, c’est bien naturel, vous le croyez innocent, je veux moi-même le croire encore. Malheureusement, ce n’est pas moi qu’il faut convaincre, c’est la justice, et c’est aussi ce peuple déchaîné, qui est capable de nous faire un mauvais parti à tous, si on ne le condamne pas… Non, voyez-vous, jamais je ne pardonnerai à votre frère