Page:Zola - Vérité.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sa conversation beaucoup de foi et de courage. Et puis, ces bâtiments de l’École normale, où il avait passé trois années d’enthousiaste apostolat, lui étaient restés chers. Tous ses souvenirs s’éveillaient, les leçons si nombreuses et si variées, les chambres dont on faisait le ménage soi-même, les récréations, les sorties aux heures des offices, ce qui permettait de se promener une heure en ville. L’école s’élevait sur une petite place solitaire, à l’extrémité de la rue de la République, et, lorsqu’il arrivait au cabinet du directeur, ouvrant sur un étroit jardin, il pouvait se croire, en ce temps si calme des vacances, dans un refuge de paix et d’heureuse certitude.

Mais, un matin, comme Marc se présentait, il trouva Salvan irrité, désespéré, contre son habitude. D’abord, il dut attendre un instant dans l’antichambre ; et il salua le visiteur qui sortit bientôt du cabinet, l’instituteur Doutrequin, au front bas et têtu, à la face large et rasée de magistrat conscient de son sacerdoce. Puis, dès qu’il fut entré à son tour, il s’étonna de l’agitation de Salvan, qui, levant les bras, criait :

— Eh bien ! mon ami, vous savez l’abominable nouvelle ?

De taille moyenne, très simple et très énergique, avec sa bonne figure ronde de gaieté et de franchise, il avait d’ordinaire des yeux rieurs, qui regardaient les gens en face. Et ses yeux flambaient d’une généreuse colère.

— Quoi donc ? demanda Marc, inquiet.

— Ah ! vous ne savez pas encore… Eh bien ! mon ami, les canailles ont osé, Daix a rendu son ordonnance hier soir, et elle conclut aux poursuites.

Marc, pâlissant, resta muet, tandis que Salvan, désignant sur son bureau un numéro du Petit Beaumontais grand ouvert, ajoutait :

— Doutrequin, qui sort d’ici, m’a laissé cette feuille immonde, où se trouve